01
Septembre
2021
|
09:00
Europe/Amsterdam

Haute Horlogerie : le tourbillon au service de la précision

  • C’est au début du 19è siècle qu’apparaît le tourbillon, mécanique complexe et fascinante, pour contrer les effets de la gravité terrestre sur les mécanismes horlogers
  • Cette complication faisant partie de l’histoire de Vacheron Constantin depuis 1901, a largement participé à la quête de précision au sein de la Manufacture
  • Dans sa version la plus aboutie, le tourbillon est un chef-d’œuvre d’horlogerie indispensable aux montres à grande complication, spécialité de Vacheron Constantin que l’on retrouve dans les collections courantes mais également au coeur de nombreuses pièces uniques Les Cabinotiers.


Genève, 1er septembre - Inventé par Abraham-Louis Breguet au début du 19ème siècle, le tourbillon a comme fonction première de contrer les effets de la gravité terrestre sur les mécanismes horlogers. Ce dispositif est un symbole de maîtrise technique et de bienfacture. Les premières traces connues de sa commercialisation dans les archives de Vacheron Constantin remontent à 1901. Depuis, cette complication fait partie du patrimoine horloger de la Maison, intégré dans des montres de poche, puis de poignet dès le début des années 1990, et dans des pièces d’exception destinées aux connaisseurs et collectionneurs.

 

L'histoire des tourbillons

Le tourbillon est volontiers considéré comme un chef-d’œuvre de l’art horloger. Et s’il n’est pas considéré stricto sensu comme une complication horlogère, étant donné qu’il n’offre pas une fonction supplémentaire aux indications horaires, il n’en est pas moins un système mécanique aussi complexe que fascinant. Mis au point en 1795 et breveté en 1801 par Abraham-Louis Breguet, il a été conçu pour éliminer les erreurs de marche causées par l’attraction terrestre.

Peu d’horlogers s’essayent au tourbillon durant le 19ème siècle et les quantités produites restent parfaitement confidentielles. En tant qu’organe réglant, ce mécanisme a toutefois suffisamment fait ses preuves pour qu’il soit pris en considération non seulement pour les montres dites de chronométrie, en quête de la précision absolue, mais également comme composant de choix des montres à grande complication. Vacheron Constantin s’est illustré dans ces deux domaines avec une parfaite maîtrise de cette mécanique horlogère complexe.

L’invention du tourbillon est intimement liée aux habitudes vestimentaires comme aux connaissances et pratiques horlogères de la fin du 18ème siècle. Les montres de poche de l’époque souffrent en effet de plusieurs défauts mécaniques, notamment dus à la fabrication artisanale des composants. Difficiles à équilibrer, ceux-ci tendent à souffrir de trop de frictions, que les lubrifiants de l’époque, qui ont tendance à se figer, n’atténuent que partiellement. De plus, le porter de la montre au gousset lui donne une position statique et verticale la plupart du temps. Le calibre des montres, et plus particulièrement son organe de régulation lié à l’échappement, souffre ainsi des effets de la gravité terrestre qui perturbent l’isochronisme du balancier-spiral, synonyme d’écarts de marche et donc d’une perte de précision.

La solution doit donc passer par un nouveau système mobile. Dans un mouvement mécanique traditionnel, l’échappement et le couple balancier-spiral sont fixés à la platine de manière à ce qu’ils engrainent en pivotant sur leur axe. Avec le tourbillon, ces mêmes composants sont réunis dans une cage tournante, suspendue entre ses deux points de pivotement. Cette cage fonctionne comme un mobile de seconde, entrainé par la roue moyenne, faisant prendre au balancier-spiral toutes les positions verticales, quand bien même la montre reste immobile dans son gousset. Le brassage des positions permet ainsi de compenser les variations pour obtenir une valeur moyenne de marche, facteur d’une plus grande précision.

Pendant un siècle et demi, le tourbillon ne connaît que peu d’évolution, reposant immuablement sur le même principe d’une cage tournante. Tout au plus peut-on relever l’apparition du carrousel, mécanisme breveté par le Danois Bahne Bonniksen en1892. Celui-ci a également pour but d’améliorer la précision de la montre en embarquant l’échappement et le régulateur dans un module rotatif. Il se distingue du tourbillon du fait qu’il est mu par deux forces distinctes, l’une pour entraîner la cage et l’autre pour actionner l’échappement. Avec l’apparition des montres-bracelets, par définition en constant mouvement, l’utilité du tourbillon est devenue une question récurrente au sein de la communauté horlogère, comme le fut alors, dans l’univers de la montre de poche, celle du plat-pendu, soit les écarts de marche observés en position horizontale et verticale où l’amplitude est plus faible. Si aucune réponse définitive n’a été donnée, les récents travaux de recherche et les innovations apportées au tourbillon peuvent être considérées comme la meilleure d’entre elles.
 

Vacheron Constantin et les tourbillons

La première mention d’une montre de poche à tourbillon dans les archives Vacheron Constantin remonte à 1901. Dans une lettre adressée à la Maison, on découvre la commande faite par un client parisien pour un garde-temps avec échappement à tourbillon, double chronographe, grande et petite sonnerie, répétition minutes, quantième perpétuel avec phases de lune et réserve de marche. Autant dire une pièce exceptionnelle qui doit également passer par l’Observatoire de Genève pour obtenir son bulletin de chronométrie. Depuis sa fondation en 1755, Vacheron Constantin a déjà eu l’occasion de faire la démonstration de son savoir-faire dans l’univers des complications horlogères.

Au tournant du 20e siècle, cette maîtrise technique prend une nouvelle dimension avec la réalisation de montres ultra compliquées, donc certaines intégrant un tourbillon, comme une montre de poche de 1917 acquise par le Maharajah de Patiala, grand collectionneur de pièces d’horlogerie. Jusque dans les années 1950, la Maison se distingue ainsi par la création de montres de poche d’une grande technicité qui font désormais partie de l’histoire horlogère. La désormais célèbre Référence 57260, montre de poche présentée en 2015 à l’occasion du 260e anniversaire de Vacheron Constantin, est également là pour leur rendre hommage. Au rang de ses 57 complications, on relève la présence d’un très rare tourbillon à trois axes avec spiral sphérique qui régularise les effets de l’attraction terrestre si bien que l’heure n’est en rien affectée par les changements aléatoires de position au porter. En 2019, Vacheron Constantin démontre une fois encore sa maîtrise technique en accueillant le tourbillon au sein de la collection Overseas. Le calibre 2160, mouvement automatique ultra-plat, se retrouve un an plus tard au cœur de l’Overseas tourbillon dans une version toute or 18 carats 5N et cadran laqué bleu.

 

Tradition de précision

Cette recherche de la précision est une constante chez Vacheron Constantin, dont la volonté a toujours été de produire des montres robustes, fiables et précises, en toute élégance. Depuis 1872, la Manufacture s’est régulièrement inscrite aux différents concours de précision organisés par les Observatoires de Genève ou de Neuchâtel mais également par ceux d’Angleterre et des Etats-Unis. Et régulièrement, ses montres reviennent avec les lauriers du vainqueur : médailles d’or ou premiers prix. Grâce à la fiabilité des calibres Vacheron Constantin, les régleurs de la Maison font des merveilles lors de ces joutes horlogères. Au point que l’un d’eux, Edmond Oliver, passe à la postérité comme le grand artisan de ces exploits chronométriques. Plusieurs modèles de poche présentés par ses soins au concours de l’observatoire de Genève excellent par leur précision. Il formera, entre autres, la régleuse Hélène Jaccard, elle-même titulaire de nombreux records.

Ces performances chronométriques, Vacheron Constantin en a fait une des qualités premières à laquelle le Chronomètre Royal a notamment contribué. Cette montre de poche présentée en 1907 perpétue cette tradition de précision, s’assurant un succès international tout au long du siècle. Mais cette quête de précision implique également des recherches plus poussées sur l’architecture des mouvements et les systèmes de régulation à tourbillon. Dès les années 1900, Vacheron Constantin propose des montres de poche intégrant un tourbillon comme seule « complication », comprise comme un gage supplémentaire d’exactitude dans le décompte du temps. En toute logique, ces montres sont également soumises aux tests d’Observatoire, à l’instar de ce modèle de 1907 dont l’ébauche a été mise au point par Albert Pellaton, génial constructeur horloger engagé au bureau d’études de la Manufacture dès sa sortie d’école. Les succès ne manquent pas. Durant les quatre décennies qui vont suivre, Vacheron Constantin obtient grâce à ses chronomètres de poche à tourbillon une succession de récompenses aux différents concours de chronométrie dont trois bulletins de première classe et six 1er prix référencés.
 

Une place incontournable dans les montres bracelets

L’apparition des tourbillons dans les montres-bracelets Vacheron Constantin répond à ce même souci de précision. Elle intervient également à un moment où la Maison affiche clairement sa volonté de redonner toutes ses lettres de noblesse à la montre mécanique menacée par la crise du quartz. A la fin des années 1980, Vacheron Constantin met en chantier deux projets consistant à développer des nouveaux calibres pour montres de poignet intégrant les complications mythiques que sont le tourbillon et la répétition minutes. Une première pièce voit le jour en 1992, avec le modèle 30050
. Le ton est donné : Vacheron Constantin va dès lors servir la cause des montres compliquées avec des modèles où le tourbillon occupe une place incontournable.

Ce mécanisme de régulation intègre ainsi progressivement les différentes collections de la Maison, dans une version chronométrique épurée ou accompagné d’autres fonctions horlogères, quand on ne parle pas de grandes complications. Cette évolution se trouve d’ailleurs confortée par l’implantation en 1998 de la Manufacture dans la Vallée de Joux avec des ateliers dédiés aux mouvements horlogers complexes. Leur premier projet : le développement d’un calibre à tourbillon pour le mouvement de forme tonneau de la collection Malte.

Au fil des ans, cette maîtrise technique des régulateurs rotatifs trouve plusieurs applications remarquables au rang desquelles le tourbillon présenté lors du 250e anniversaire de la Maison avec la pièce Saint-Gervais à quantième perpétuel disposant d’une réserve de marche exceptionnelle de 250 heures avec ses quatre barillets (calibre 2250), le tourbillon à deux axes avec spiral cylindrique (calibre 1990) ou encore le premier tourbillon automatique manufacture avec rotor périphérique (calibre 2160). Au centre de toutes ces réalisations, un mécanisme fascinant élevant la science horlogère au rang des arts.

 

Henri Graves Jr. et Vacheron Constantin

Si le nom du banquier américain Henry Graves Jr. (1868-1953) est passé à la postérité dans le monde horloger, cela tient essentiellement au « duel » l’ayant opposé à l’industriel James Ward Packard dans les années 1920 et 1930. C’est à qui de ces deux collectionneurs passionnés de belle horlogerie appartiendra la montre la plus compliquée au monde. Henry Graves est un grand collectionneur de garde-temps aux multiples fonctionnalités mais également un passionné de chronomètres de précision. C’est ce qui l’amène à croiser le chemin de Vacheron Constantin en 1928.

Cette année-là, il apprend qu’une montre savonnette à tourbillon Vacheron Constantin a réalisé un record de précision à l’Observatoire de Genève. Pour le banquier, cette pièce doit faire partie de sa collection. De cette époque date la correspondance échangée entre Henry Graves et Vacheron Constantin. On y apprend sa volonté d’acquérir cette montre gravée à son intention de l’inscription suivante : « Awarded First Prize (866 Points) Geneva Astronomical Observatory Timing Contest 1927-28 - No. 401562 - Henry Graves Jr. - New York - by Vacheron & Constantin, Geneva, Switzerland ». Les relations entre Henry Graves et Vacheron Constantin ne s’arrêtent pas là. Elles se poursuivent au gré des propositions que fait la Maison au grand collectionneur. En témoignent les missives conservées dans le fonds d’archives Vacheron Constantin

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Sélection de montres

Montre de poche tourbillon une minute en or jaune – 1943 (Ref. Inv. 10811)

La quête de précision chronométrique s’est traduite par des modèles de montres de poche équipés d’un tourbillon. Ces modèles ont très souvent participé à des concours de chronométrie organisés par les différents observatoires astronomiques pour y remporter de nombreuses distinctions. Cette pièce en or jaune avec tourbillon une minute, dont l’axe est porteur de la petite seconde, avec cadran en émail blanc et minuterie chemin de fer, a ainsi remporté le 1er prix à l’Observatoire de Genève en 1931, 1933 et 1941.

Montre de poche tourbillon une minute en or jaune – 1945 (Ref. Inv. 11968)

Avec son mouvement de 22’’, cette montre de poche tourbillon une minute en or jaune avec petite seconde frappe par sa sobre élégance. Le cadran argenté, ponctué de chiffres romains émaillés avec une minuterie chemin de fer, est survolé par de fines aiguilles pomme bleuies. On retrouve le même souci de discrète élégance au dos de montre avec un mouvement recouvert d’une platine 2/3 décorée Côtes de Genève. Cette architecture met en exergue le tourbillon dont le balancier avec masselottes permet un réglage chronométrie des plus fins. Montre d’observatoire, cette pièce a été conçue comme un chronomètre de précision.

Montre de poche « Les Complications » tourbillon en or gris – 1990 (Ref. Inv. 11927)

Pièce de commande éditée à seulement quelques exemplaires, cette montre de poche a été réalisée à l’intention d’Asprey London qui a pignon sur New Bond Street. Pour satisfaire les collectionneurs nostalgiques des chronomètres de précision en ce début des années 1990, Vacheron Constantin a ainsi créé ce modèle en or gris avec cadran guilloché au motif « vieux panier ». Son mouvement 22’’ a été choisi en conséquence. Calibre éprouvé avec tourbillon une minute conçu au début des années 1940, il a participé à 19 concours de chronométrie jusque dans les années 1990. L’ouverture à 6h sur le cadran permet d’admirer toute la subtilité du régulateur.

Montre de poignet tourbillon et réserve de marche en platine, modèle 30050 – 1993 (ref. Inv. 11984)

Cette pièce fait partie de la première série de montres de poignet à tourbillon réalisées par Vacheron Constantin. Editée à 300 exemplaires en or jaune et platine, elle est équipée d’un calibre doté de deux barillets, visibles par le fond saphir. Le cadran grené mat à trois chiffres romains et six index rapportés laisse admirer à 6h le ballet du tourbillon une minute, porteur de la petite seconde. Par effet de symétrie la réserve de marche prend place à 12h. On peut admirer au dos du modèle, la qualité des finitions de haute horlogerie avec anglage des ponts et décor Côtes de Genève sur la platine.

Montre de poignet tonneau collection Malte tourbillon, quantième et réserve de marche en or rose – 2003 (Ref. Inv. 11498)

Ce modèle tonneau de la collection Malte en or rose fait preuve d’un bel équilibre avec son cadran guilloché soleil en périphérie et grené argent au centre avec neuf index rapportés. Les indications horaires décentrées avec aiguilles glaive, entourées de la réserve de marche et du quantième, laissent un large espace au tourbillon une minute, porteur sur son axe de la petite seconde. Montre de forme, ce modèle est équipé d’un calibre de forme également qui épouse parfaitement les contours du boîtier étanche, comme on peut l’admirer par le fond saphir.

Montre de poignet « Saint Gervais » tourbillon, calendrier perpétuel et réserve de marche en platine – 2005 (Ref. Inv. 11475)

Si la célébration de son quart de millénaire été l’occasion pour Vacheron Constantin de rendre hommage à son passé, elle a également servi à mettre en valeur ses capacités d’innovation techniques. Le modèle Saint-Gervais en est la parfaite illustration. Avec son cadran en platine guilloché main, cette pièce a fait avancer le domaine complexe de la réserve de marche. Avec 250 heures garanties par quatre barillets couplés à un régulateur à tourbillon et à un mécanisme de quantième perpétuel, le modèle Saint-Gervais a posé un nouveau jalon dans le domaine des montres à grande complication.