17
Novembre
2022
|
09:00
Europe/Amsterdam

Le Maître guillocheur, artisan du relief

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  • Le Maître guillocheur perpétue un art ancestral sur des machines d’un autre temps et laisse libre court à son imagination pour créer une variété infinie de décors.
  • Grâce à sa constante recherche d’innovation, Vacheron Constantin a révolutionné la tradition en inventant le « guilloché figuratif ».

L’art de guillocher ne s’explique pas simplement, il se ressent, s’admire, demande un temps infini et deux mains expertes. « Le guillochage est la production artistique d’un décor mécanisé avec incision dans le métal, le plus souvent de l’or, et basé sur un système géométrique de répétition dans ses tracés » explique le Maître guillocheur de Vacheron Constantin.

Concrètement, un guillocheur se sert de deux machines distinctes pour réaliser ses décors. Une première en ligne pour les décors linéaires et rectilignes. Une seconde en tour, pour les décors circulaires et courbes. Les motifs traditionnels portent des noms comme « clous de Paris » ou « grains d’orge ». Lorsque le dessin rayonne à partir du centre, à l’image du célèbre « rayon de gloire » de Vacheron Constantin, on parle alors de « flinqué ». Quel que soit son choix, l’artisan guide le guilloché de motifs symétriques avec une extrêmement dextérité et un sens inné de l’esthétique.

D'une main, il tourne la manivelle qui entraîne la pièce à décorer, de l'autre, il pousse le chariot qui porte le burin pour graver des traits fins et réguliers. En jouant sur la forme, l’espacement et l’entrecroisement, il peut laisser libre court à son imagination et créer une variété infinie de décors. C’est un art ancestral, rare et unique qui se pratique sur des machines d’un autre temps. Celles sur lesquelles travaillent les artisans d’art de Vacheron Constantin sont toutes d’époque, la plus récente datant de 1950 et la plus ancienne des années 1800.

« Les décors guillochés construits trait par trait demandent une grande concentration, de la régularité et de la précision.»

D’origine mystérieuse, le guillochage serait inspiré des décors architecturaux en forme de gouttes d’eau pratiqués dans la pierre par les artistes italiens au XVIe siècle. Ainsi, « goccia » (goutte) aurait donné « ghiocciare », terme ancien traduit par « guillocher ». Une deuxième acception attribue l’origine du mot à un ouvrier français nommé Guillot qui, à la fin du XVIIIe siècle, inventa une machine-outil à pédale destinée à la gravure de courbes entrelacées qui se prêtait parfaitement à la décoration des montres.

Sur ces machines très anciennes, l’excellence dépend en grande partie de la sensibilité artistique et de l’habileté de l’artisan. Il configure le dessin, mesure la pression exercée sur le burin et maîtrise la vitesse d’exécution, réalisant les pièces une à une pour faire de chacune une œuvre unique. « Ce qui compte est la belle lisibilité du décor et les jeux d’ombre et de lumière, précise le Maître guillocheur de Vacheron Constantin. La perception doit être immédiate et doit cependant garder la voie du milieu, celle du raffinement et de la prestance. Un bon équilibre entre discrétion et révélation de l’excellence innovatrice. »

Le résultat, riche de reflets, est sans commune mesure avec celui que l’on obtiendrait via des procédés industriels modernes. On peut ainsi parler de « guilloché main » pour distinguer ce travail extraordinaire, aujourd’hui exécuté en miniature sur les surfaces restreintes des montres bracelets : cadrans, boîtiers ou composants du mouvement comme les masses oscillantes.

« La machine ne fait que prolonger le geste de l’homme. »

Dès 1780, date de la plus ancienne montre guillochée de la Maison, Vacheron Constantin a régulièrement orné ses garde-temps d’une richesse infinie de guillochis. Aujourd’hui encore, ces motifs gravés en creux sur les divers supports métalliques sont entièrement réalisés à la main. La machine ne fait que prolonger le geste de l’homme. « Les décors guillochés construits trait par trait demandent une grande concentration, de la régularité et de la précision » note le Maître guillocheur de Vacheron Constantin. La création demeure empirique, elle est le fruit du savoir-faire et de la créativité. »

Grâce à sa constante recherche d’innovation, l’artisan guillocheur de Vacheron Constantin a révolutionné la tradition en inventant le « guilloché figuratif ». Ce procédé artisanal unique, réalisé sur des machines traditionnelles, substitue au tracé de lignes une apposition de points micrométriques, permettant de dessiner une variété infinie de motifs.

De ces dessins guillochés émanent une force et une vibration incomparables à l’instar de plusieurs réalisations d’exception des collections Métiers d’Art où cette maîtrise exceptionnelle du guillochage se marie parfaitement avec différentes techniques d’émaillage : pour exemple, les pièces Métiers d’Art Florilège, inspirées des illustrations de l’ouvrage The Temple of Flora publié en 1799 par le botaniste anglais Robert John Thornton. Ici, le Maître guillocheur a commencé par dessiner les contours des éléments végétaux sur la plaque en or du cadran pour ensuite guillocher les fleurs en transcrivant le volume et la vivacité de chaque pétale. Selon les modèles, il a fallu compter entre 45 et 73 zones à décorer, ensuite sublimées par un émail cloisonné grand feu nécessitant plusieurs passages au four.

« Le guillochage d’avant-garde est assurément celui qui consiste à réaliser des formes non constantes, c’est-à-dire des formes aléatoires. »

Chez Vacheron Constantin, le savoir-faire de tradition est aussi synonyme d’innovation. Cette constante est un marqueur fort de la Maison. « Le guillochage d’avant-garde est assurément celui qui consiste à réaliser des formes non constantes, c'est-à-dire, des formes aléatoires comme les contours d’un dessin non géométrique, tel le tracé du corps d’un dragon, d’un lion ou d’une grue couronnée », détaille le Maître guillocheur de Vacheron Constantin. Cette dextérité, mêlant différentes techniques de guillochage et de métiers d’art, se retrouve dans la montre Métiers d’Art Univers Infinis Ange et son cadran peuplé d’anges et de démons, inspiré de l’artiste Escher. Sur une base d’or gris, le graveur a d’abord dessiné le pourtour des personnages pour ensuite les champlever. Il a ensuite défini les détails des démons en taille douce avant que l’émailleur ne viennent remplir les cavités creusées des anges et des démons par passage au four successifs. Est alors entré en scène le guillocheur pour travailler l’émail recouvrant la robe et les ailes des anges.

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Les techniques de guillochage

Guillochage

Technique décorative en horlogerie appliquée principalement sur le cadran et le boîtier, parfois sur certains composants du mouvement comme la masse oscillante, le guillochage est l’une des finitions les plus subtiles en horlogerie par les jeux d’ombres et de lumière ainsi créés. Le guillochage est fait de droites ou de courbes croisées, voire entrelacées, réalisées grâce à une machine à guillocher composée d’une manivelle et d’un burin. Le jeu des sillons, profonds de 3 à 4 centièmes de millimètre, permet de créer des motifs à l’infini : Clous de Paris, grain d’orge, rayon de soleil, panier… ou encore l’imitation de tissus tirés du vestiaire masculin avec la série Métiers d’Art Élégance Sartoriale qui présente des cadrans à ornementation en chevron, Prince de Galle, tartan, carreaux ou rayures tennis.

Tapisserie

La tapisserie consiste à créer des décors à motifs répétitifs comparables à ceux d’une tapisserie, obtenus à partir d’une matrice reproduisant le dessin voulu, à l’instar des cadrans de la collection Égérie dont le centre et le pourtour sont apprêtés d’un motif plissé qui rappelle une étoffe de Haute Couture. Cette matrice, aussi appelée « origine » autrefois en bronze, voire en vinyle, aujourd’hui en acier trempé, guide le burin d’un tour à tapisser. Cette action mécanique, subtilement orchestrée par le geste de l’artisan sur une machine datant de 1904, sert à créer un décor parfait, qui est ensuite parfois confié aux mains expertes de l’émailleur.

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Sélection de montres

Montre de poche en or gravée (1780)

Cette montre de poche en or de 1780 est la plus ancienne de la collection privée de Vacheron Constantin à arborer un travail de guillochage sur le cadran et la boîte. Si Abraham-Louis Breguet a fait figure de précurseur dans le monde des cadrans guillochés pour montre de poche, Vacheron Constantin a très vite marché sur ses pas, comme en témoigne cette pièce au cadran guilloché rayonnant, porteur de chiffres romains en émail, orné en son centre d’un bouquet floral en champlevé. Cette ornementation correspond parfaitement au style Louis XVI de l’époque qui se distingue par ses compositions géométriques minimalistes d’inspiration bucolique avec fruits, feuilles et fleurs, souvent agrémentés d’instruments de musique. La recherche esthétique s’accompagne d’une harmonie des formes et des proportions, soulignée ici par le travail de gravure en relief, ou ramolayé, sur la carrure et le fin guilloché grain d’orge du fond de la boîte.

Montre Saltarello (2000)

Une nouvelle génération de complications au service du « beau » apparait au commencement des années 1990 avec les modèles à heures sautantes et minutes rétrogrades. Cette subtilité d’affichage des heures sautantes était parfaitement maîtrisée chez Vacheron Constantin dans l’univers des montres de poche dès le début du 19e siècle, tandis que les pièces d’exception à affichage rétrograde connaissent un intérêt croissant dès le début du 20e siècle. Mises en œuvre sur des montres de poche aux cadrans ouvragés, guillochés, peints ou émaillés, ces deux complications avaient d’abord été conçues par les horlogers pour offrir une nouvelle facilité de lecture de l’heure. Avec le lancement de la Saltarello en 1997, Vacheron Constantin renouait avec cette tradition mécanique des plus originales, extrêmement rare en montre-bracelet, devenue depuis une des signatures de Vacheron Constantin. Le mouvement rétrogradant de l’aiguille est souligné par un magnifique cadran doré rose, guilloché main, dont les stries rayonnent depuis l’axe de l’aiguille des minutes sur tout le cadran. Le subtil travail de guillochage se retrouve sur la masse oscillante en or à découvrir par le fond du boîtier de forme coussin avec des cornes en terrasses.

Métiers d’Art – Les Univers infinis Montre Colombe (2011)

La série Métiers d'Art Les Univers Infinis s’inspire de la technique du remplissage périodique du plan, dit « tessellation » chère à l’artiste hollandais Escher, en conjuguant émaillage, sertissage, gravure et guillochage, soit autant de métiers d’art maîtrisés au sein de la manufacture. Le cadran de la montre Colombe met ainsi en scène une volée de colombes sublimées par les arts prestigieux de la Haute Horlogerie. Le graveur commence par dessiner le contour des colombes sur une base de cadran en or jaune, pour ensuite les champlever, c'est-à-dire graver le motif. L'émailleur vient ensuite remplir les cavités ainsi formées, elles-mêmes recouvertes en dernière cuisson d’un émail translucide ou opalescent, selon la couleur des colombes, de façon à laisser apparaître les motifs gravés. Au tour ensuite du sertisseur de venir mettre en lumière un des volatiles. Enfin, le guillocheur entre en scène pour accentuer l'effet de profondeur du cadran. Il est très rare que le guillochage d'une pièce émaillée soit réalisé en dernière étape, en raison la délicatesse du travail à effectuer. L'expert prend le temps nécessaire pour inciser patiemment la matière, donnant vie aux colombes imbriquées les unes aux autres.

Les Cabinotiers Tourbillon Joaillerie – Hippocampe (2022)

Pièce à exemplaire unique, la montre Les Cabinotiers Tourbillon Joaillerie – Hippocampe illustre toute la complexité et la complémentarité des métiers d’art chez Vacheron Constantin. Pour donner toute sa profondeur au cadran, les Maîtres artisans ont associé guillochage, gravure, émaillage et sertissage. Dans un premier temps, le cadran en or jaune est délimité en champlevé pour dessiner les espaces destinés au guillochage et à la gravure dans ce décor aquatique visité par un hippocampe. Une fois le motif tracé, les alvéoles destinées à l’émaillage sont guillochées et gravées, opération d’autant plus minutieuse que ces surfaces sont de dimensions restreintes et séparées les unes des autres. Une première couche d’émail transparent vient ensuite recouvrir le cadran. C’est alors que commence le patient travail de l’émail cloisonné, ponctué de trois à quatre passages au four. Pour représenter l’œil de l’hippocampe, le Maître sertisseur a ensuite fixé le cabochon en saphir grâce à la technique du serti clos. Le sertissage se prolonge sur la lunette avec des saphirs taille baguette, dans un subtil dégradé de bleus. Le résultat donne toute la mesure de cette quête d’excellence où la maîtrise du geste s’accompagne d’un soin méticuleux apporté aux plus infimes détails.